mercredi 20 avril 2011

#12

Après tant de rues cousues et recousues. Après tant de baisers subtilisés à de belles-filles. Après tant de clichés ravis aux coins ombrés… Voilà que l’insomnie arrive !
Et te voilà encore allongé, yeux écarquillés, oreilles aux aguets, sens tendus, fixant du regard le lustre amputé d’un bras. Le ronflement continu de l’ordinateur en veille te tient compagnie. Tu ressens le poids du lustre suspendu. Comme s’il était attaché autour de ton cou. Le bras manquant envahit ton esprit. Tu imagines des scènes de guerres impitoyablement cruelles. Des cadavres démembrés, éparpillés, déchiquetés. Des canons tuberculeux qui ne cessent de cracher le feu. Des tanks comme des larves de sauterelles, rasant la terre à leur passage… et puis non ! Le sommeil ne vient pas. Les scènes de guerre n’aident pas… Tu vois le mur. Deux taches de lumière se distinguent. Lumière jaunâtre qui se faufile des deux trous du rideau. Tu te rends compte qu’elles ressemblent à des yeux. Des yeux de femme. Des yeux aux pupilles dilatées. C’est une fille qui te regarde alors que tu la pénètres. Elle a dix neuf ans. Plutôt dix sept. Sa bouche se serre comme son vagin autour de ton sexe. Elle te fixe du regard. Tu n’oses rien dire. Les poils de son aine te picotent. Tu pousses. Tu essaies de respirer lentement… Non ! Non ! Ne pense pas à cela. Ça t’excite et le sommeil est désormais loin de tes paupières. Tu as l’envie d’allumer la lumière et de lire un peu. Mais quoi ? Tu penses au livre que tu lisais la veille. C’était de Heidegger ? « De l’essence de la vérité » ? A propos ! Alèthéia, n’est-ce pas comme l’insomnie ? A-lèthéia : dé-couvrement : in-somnie… La vérité est l’épreuve d’un sommeil suspendu…Dis-donc, c’est pesant ! Non ! Ce n’est pas pesant : le sommeil est pesant. Mais l’insomnie est en quelque sorte la suspension de la pesanteur. Une sorte d’apesanteur dans le temps et dans l’espace. Un flottement dans le vide. Et contrairement à ce que tu peux penser. Ce n’est pas agréable. C’est une légèreté angoissante. Qui t’oblige à t’ouvrir au monde qui se retire. Tu cherches donc le poids. Une lourdeur. Une attraction. Tu cherches dans ton imaginaire. Qu’est-ce qui t’attire ? Pourquoi la terre exerce une attraction ?
« - Parce qu’elle ne se pose pas de questions comme toi »
Comment ne pas poser de questions ? Alors il faut arrêter de désirer ? Mais si on arrête de désirer le sommeil …
« - Tu te poses toujours des question… »
Oui ! Mais comment ne pas poser de questions ? (tu sais c’est un cercle vicieux)
Un cercle !? Un mouvement circulaire. Presque machinal. Qui se répète en s’auto-renvoyant un mouvement perpétuel. Des pignons qui tournent en se transmettant des forces… pour faire tourner une fois un pignon P2 d’un diamètre double du pignon P1, il faut que ce dernier tourne deux fois. P2 en un tour fera tourner P1 deux fois… Tu peux joindre à P1 un bras de fer sur une raille qui va et vient selon les mouvements rotatifs de P1. L’autre extrémité du bras peut-être attachée à une scie…
« - Tes paupières s’alourdissent. »
La scie peut trancher le bois... La scie coupe le bois en morceaux de même taille
« - Il fait noir. Tu n’entends plus le ventilateur »
Les pignons tournent toujours…toujours…Alèthéia…La scie va et vient…Elle coupe…Les yeux… te regardent… Le piston qui fait marcher la machine…
« - Tu dors »
Le bras de fer… pénètre… le lustre… larves… rasent le sexe…
« - Tu dors »

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