mardi 25 janvier 2011

#4

(ce qui suit sont des notes écrites au réveil; livrées ici telles quelles. A l'état brut)

Il y a des rêves qui te donnent une sérénité inestimable !
Le rêve que j’ai fait cette nuit (ce matin), me le fait dire.
Première période ; (début du rêve) :
Je suis dans un état très dépressif, tendu, et très agressif. Dans le salon chez mes parents (le salon communément appelé « chambre des femmes »).A la télé on parle de Palestine. Je suis allongé. Dans la pièce il y a W et Z. Je suis très provocateur. Je prends position contre la Palestine. Une discussion tendue et polémique avec les deux. W s’approche de moi. Je me cache en me couchant sur mon ventre ou en enfonçant mon visage contre l'oreiller. Elle me dit qu’il faut que je m’explique sur mes opinions. Je me sens un peu coupable d’avoir irrité et provoqué les autres ainsi.
Deuxième période :
Dans une cuisine probablement, puisque s’étend devant moi un comptoir de céramique. Je trouve une bouteille de LeBeN (lait fermenté). Comme au Maroc le LeBeN arrive de la campagne directement, on le met dans des bouteilles de soda en plastique. Je le bois par gorgées successives. Entre Z. Je parle avec lui de Tarkovski et ses rapports aux cultures arabe et japonaise. Je lui raconte l’histoire d’un film où un artiste va au Japon ; je pense à Andrey Roublev.
Troisième période :
L me propose un voyage en voilier. Le jour du voyage, je cherche mes affaires. Je trouve le blouson dans le placard. C’est la chambre de mon enfance dans l’appartement du Maarif. Je ne trouve pas le bonnet par contre. Je sors en courant car je suis en retard. Dans le chemin, je croise A entrain de marcher et discuter avec quelqu’un d’autre. Il est revenu de son voyage. Mais je n’ai pas le temps. Je dois me dépêcher. Il fait nuit tout à coup, il pleut. Je cours dans les rues d’une ville nordique (Suède ou Finlande).
J’arrive au port avec D en même temps. Nous sommes pressés tous les deux. J’esquive les portes battantes avec elle. Elle me suit. On arrive enfin aux quais. Le voilier (bateau) n’est pas encore parti heureusement. On monte à bord. A' est là avec son père. Fêtant son anniversaire. D est déjà en maillot de bain. C’est le soleil de nouveau. Elle me prend dans ses bras et me dit combien elle est contente de passer une semaine avec moi.
Et je suis heureux !


p.s.: L. vient de me rappeler que leben signifie vie en Allemand

vendredi 14 janvier 2011

#3

Le pied ! Une exclamation de jouissance dans la langue qui m’a occupé depuis l’institution maternelle, celle qui n’est pas ma mère. Ou celle qui est ma deuxième mère. La seconde d’une seconde.
Une tension me rapporte au pied. A cette partie du corps qui marche et écrit (Ibn ‘Arabi disait qu’on parlait avec la main et qu’on écrivait avec le pied). Tension qui se performe dans le tact avant la vue. Au-delà ou en-deçà de toute interprétation psychologique, c’est l’effet du mot qui se heurte au bloc d’une autre langue et y laisse une fêlure qui ne cesse de se propager. Un coup de pied.
Psychologiquement, mon fétichisme le plus intime qui me lie à mon sexe, (Pied, RiJL, R.J.L., RaJeL, RaJouL (homme)) par une série de traductions de sens ou de sons. Par une série de trahisons et d’incestes. De traductions incestueuses. De rapports à mes mères feintes par le biais d’autres mères. Et ce mot devient géant, un monstre, une chose, un anneau m’entourant et me déversant ses charges électriques à la vue de chaque pied (grec ou égyptien, il est intéressant d’avoir lié à des civilisations, donc sédentaires, qui sont concernées par les mains plutôt, le genre de pied).
Mais passé le stade des sentiments, des pulsions inconscientes, des refoulements et des dénégations. Reste le mot, la chose, le monstre : Le pied ! Toujours à donner ses coups à la langue. Toujours à me donner la jouissance d’écrire de réécrire et de pendre la langue à la langue. Et une langue pendue ne parle pas, elle s’écrit à coups de pied.

jeudi 6 janvier 2011

#2

(à Maurice Blanchot)

Il jouait dans la cour derrière la maison. Il vit une dinde suivie, dans un ordre militaire, par ses poussins. Le dernier poussin n’avait pas de plumes sur sa gorge. Il s’approcha de lui et le prît dans ses mains pour le caresser. La horde était là : son cousin, et ses deux cousines. L’une s’approche de lui et murmure : « Misère ! Tu as touché le poussin malade ! Tu vas mourir cette nuit ! »… Puis, avec une voix plus aigue et tranchante : « Un enfant avant toi avait touché ce poussin. Tu sais ce qui lui est arrivé ? Eh bien le soir ; à minuit, il a perdu sa chair. Elle tombait par terre alors qu’il criait de douleur jusqu’à ce que mort s’en est suivie…Et tu sais quoi ? Il va t’arriver la même chose ! » L’enfant, terrorisé, courut à la maison… Dans la cuisine, il trouva la grande cousine. « Celle-là ne peut pas me mentir ! » se dit-il. Alors il lui raconta ce qui est arrivé.
« Tu as touché le poussin sans plumes sur la gorge ! Malédiction ! Il a le cancer ! » Ce dernier mot sonnait dans sa tête comme un glas. Il attendit alors minuit en sanglots. Peut-être qu’il s’est endormi avant. Le lendemain, c’était déjà quelqu’un d’autre.

#1

Qui m’a vu naître ?
Qui me verra mourir ?


J’étais assez naïf, je l’avoue, pour me poser ces questions.

Les arbres défilent devant mes yeux. Je regarde.
-« J’espère que l’on garderait un souvenir de moi tout de même » Je le dis à mon fils qui conduisait

C’est qui « on » ? Quelle mémoire abritera mes traces ? Les traces de mon corps, de ma voix, de ce que je me raconte parfois, de mes rêves, de mes hallucinations ?
-« Je crois que tu laisses une bonne impression chez les gens » répondit-il, les yeux fixés devant lui.
« Bonne impression » dit-il. Et je me vois déjà comme une imprimerie. Ou plutôt une machine d’impression agençant les lettres et formant des phrases, des récits, des textes plus ou moins longs, qui défilent comme ces arbres s’inclinant maintenant avec l’accélération de la voiture…

Après deux jours je relis ce que j’ai écrit ci-dessus. Des images réapparaissent. Je commence à douter de cette « version des faits ». Les mêmes arbres qui défilent, d’un vert plus foncé cette fois sous un ciel de plomb. Une discussion autour de la littérature avec mes deux fils. La littérature et la mort. Une ville s’approche. Et avec elle l’appel mégaphoné à la prière du crépuscule.
-« J’espère que l’on garderait un souvenir de moi. »
Ai-je dis un souvenir ? Ou plutôt une trace ? Ou pensée ?
-« Je crois que tu laisses une bonne impression chez les gens.»
Impression ? Il a dit ça en quelle langue ? Il y a juste deux, ce mot m’a fait plus que rêver. Il m’a transformé en machine et a disloqué mon corps. Et le voilà qui s’envole maintenant (quel maintenant ? rien ne tient plus rien), me laissant hésitant devant les tours que me joue la faculté traductrice de ma mémoire.
-« Je le crois aussi » Une voix de derrière…
Des insectes s’écrasent sur le pare-brise puis s’essuient en une indifférence mécanique. J’essaye d’imaginer dieu comme un témoin derrière la limite de ma propre mort. Du brouillard. Mais voici les lumières jaunes pâles de la cité et ses mûrs qui limitant, enfin, notre vision, rationalisent nos pensées.

-« Qu’est-ce qu’on mange ce soir ? »…

Prologue

Pourquoi devrais-je justifier mon nom ? Il est temps de le recracher ! Ou de le léguer à une fleur comme Narcisse fît. Et il est temps de laisser jaillir de moi toutes les voix, les spectres, les odeurs, les vibrations que mon nom avait longtemps enfermés dans sa forteresse. A vrai dire ce n’était pas une forteresse. Ce n’était même pas une demeure bâtie de mûrs et de portes. Cela était juste un seuil tracé dans le vide autour de toutes ces choses prisonnières. Une sorte de frontière invisible qui terrorisait toute action, tout mouvement, et toute existence.

Et pourtant ! Et pourtant il arrive un temps où quelque chose bouge. Quelque chose arrive à se déstabiliser, par malice ou par mégarde, bousculant tout cet ordre irréel et annonçant la catastrophe du nom propre. Et voici les anciens génies libérés ! Et voici que moi, désormais sans nom, voué à une dislocation amoureuse sans objet. Une débauche !

Maintenant, je cède mon corps et ma voix à ce qui m’arrive. A ceux qui auront le plaisir ou la peine de m’aimer sans m’appeler, sans me faire porter le poids de mon nom.