jeudi 6 janvier 2011

#1

Qui m’a vu naître ?
Qui me verra mourir ?


J’étais assez naïf, je l’avoue, pour me poser ces questions.

Les arbres défilent devant mes yeux. Je regarde.
-« J’espère que l’on garderait un souvenir de moi tout de même » Je le dis à mon fils qui conduisait

C’est qui « on » ? Quelle mémoire abritera mes traces ? Les traces de mon corps, de ma voix, de ce que je me raconte parfois, de mes rêves, de mes hallucinations ?
-« Je crois que tu laisses une bonne impression chez les gens » répondit-il, les yeux fixés devant lui.
« Bonne impression » dit-il. Et je me vois déjà comme une imprimerie. Ou plutôt une machine d’impression agençant les lettres et formant des phrases, des récits, des textes plus ou moins longs, qui défilent comme ces arbres s’inclinant maintenant avec l’accélération de la voiture…

Après deux jours je relis ce que j’ai écrit ci-dessus. Des images réapparaissent. Je commence à douter de cette « version des faits ». Les mêmes arbres qui défilent, d’un vert plus foncé cette fois sous un ciel de plomb. Une discussion autour de la littérature avec mes deux fils. La littérature et la mort. Une ville s’approche. Et avec elle l’appel mégaphoné à la prière du crépuscule.
-« J’espère que l’on garderait un souvenir de moi. »
Ai-je dis un souvenir ? Ou plutôt une trace ? Ou pensée ?
-« Je crois que tu laisses une bonne impression chez les gens.»
Impression ? Il a dit ça en quelle langue ? Il y a juste deux, ce mot m’a fait plus que rêver. Il m’a transformé en machine et a disloqué mon corps. Et le voilà qui s’envole maintenant (quel maintenant ? rien ne tient plus rien), me laissant hésitant devant les tours que me joue la faculté traductrice de ma mémoire.
-« Je le crois aussi » Une voix de derrière…
Des insectes s’écrasent sur le pare-brise puis s’essuient en une indifférence mécanique. J’essaye d’imaginer dieu comme un témoin derrière la limite de ma propre mort. Du brouillard. Mais voici les lumières jaunes pâles de la cité et ses mûrs qui limitant, enfin, notre vision, rationalisent nos pensées.

-« Qu’est-ce qu’on mange ce soir ? »…

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